Un nouvel éco-matériau pour le bâtiment développé à La Rochelle
Un nouvel éco-matériau pour le bâtiment développé à La Rochelle
Publié le 20 févr. 2023
Comme beaucoup de bonnes idées, celle-ci est née sur un coin de table. Depuis 2012, l’association rochelaise Écho-Mer collecte et recycle les bouchons de liège des bouteilles de vin. En lien avec la plateforme Tipee, à Lagord, elle travaille aujourd’hui sur un projet innovant de développement d’un béton à base de chaux et de liège, connu pour ses nombreuses qualités. Un projet aux multiples vertus environnementales.
Fabriquer un béton allégé à base de chaux et de liège pour réaliser des chapes isolantes. Voilà le projet sur lequel planchent de concert, depuis dix-huit mois, l'association rochelaise Écho-Mer et Tipee, la plateforme technologique du bâtiment durable installée sur le parc Atlantech à Lagord. Véritable tissu végétal, le liège possède de nombreuses qualités : il est imputrescible, résistant au feu, et constitue un excellent isolant thermique et phonique. 100 % naturel, il est biodégradable et recyclable. Chaque année, on produit plus de 14 milliards de bouchons en liège pour la filière vinicole. Bouchons qui sont ensuite détruits par enfouissement ou incinération après un usage unique…
987 points de collecte
Depuis 2012, Écho-Mer recycle les bouchons de liège collectés chez les restaurateurs et dans les déchèteries. A ce jour, il existe 987 points de collecte répartis sur tout le littoral charentais. « En 2022, 9,3 tonnes de bouchons ont été collectées ! », se félicite Nathalie Daniel, responsable du projet de revalorisation du liège chez Écho-Mer.
Une fois récupérés, les bouchons sont broyés et transformés en granulats par la société Ovive à Périgny. Le broyat est ensuite utilisé par l'association en guise de garniture pour coussins et poufs en voiles recyclées. La société Solibio (87) en achète également pour fabriquer des cartouches anti-odeurs. Et les artisans l’emploient pour isoler des habitations par le sol. « Il suffit de mettre en œuvre une couche de broyat de liège entre la chape et le plancher. C'est très efficace », assure Nathalie Daniel.
Développer un éco-matériau
C'est à ses qualités notamment isolantes que la plateforme Tipee s'intéresse. « À l'interface entre la R&D et l'ingénierie, Tipee a pour ambition d'accompagner les professionnels du bâtiment pour construire de manière plus durable et plus respectueuse de l'environnement. Nous collaborons avec des maîtres d'œuvre, des architectes de bureaux d'études et des porteurs de projets, tels qu'Écho-Mer, qui cherchent à développer des éco-matériaux. Nous sommes à la fois bureau d'études, centre de formation et laboratoire d'essai », explique Florian Battezzatti, directeur technique de Tipee et par ailleurs coordinateur du volet bâtiment du projet La Rochelle Territoire Zéro Carbone. « Nous participons notamment à la démarche Bâtiment durable Nouvelle Aquitaine. À la recherche d'initiatives innovantes, nous avons contacté Écho-Mer qui, nous le savions, était en quête de nouvelles voies de valorisation du liège pour les acteurs du bâtiment. Nous leur avons proposé de s'inscrire dans le programme La Rochelle Territoire Zéro Carbone et de les accompagner dans la création d'un béton allégé à base de chaux et de liège pour réaliser des dalles de plancher, ainsi que dans la recherche de nouveaux partenaires industriels. »
Phase de prototypage
Aujourd'hui, Écho-Mer travaille avec Tipee et les Chaux et Enduits de Saint-Astier en Dordogne sur des formulations de ce béton innovant. « La finalité est de proposer aux artisans une fiche technique, une recette en somme, pour fabriquer du béton de chaux/liège », poursuit Nathalie Daniel.
Dans son laboratoire, Tipee teste depuis plusieurs mois les performances des différentes formulations. « Nous mesurons notamment la perméabilité à la vapeur d'eau et la conductivité thermique. L'idée est de mettre au point la formulation idéale. Nous sommes actuellement au stade de prototypage. L’étape d’après sera de trouver des chantiers expérimentaux. Pour l’heure, les premiers résultats sont encourageants. Pour des raisons de confidentialité, je ne peux pas en dire plus, mais nous continuons nos travaux, c'est donc bon signe », note Florian Battezzati. « C'est un beau projet qui ouvre de belles perspectives en termes d'éco-matériaux et d'économie circulaire. Le secteur du bâtiment est en attente de solutions pour sortir du « tout béton » et construire mieux et plus durable. Car, il faut le rappeler, la construction est un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre. La transition énergétique et environnementale passe donc pour beaucoup par de nouvelles méthodes de construction. »
À ce jour, il n'existe pas véritablement de filière de recyclage du liège en France. La plupart des usines se trouvent au Portugal. « Créer une filière locale de recyclage des bouchons de liège trouve tout son sens dans la préservation d’une matière première de qualité, le refus d’utiliser des objets à usage unique et la suppression des émissions carbone liées à leur destruction, ou au ré-acheminement des bouchons usagés collectés vers des usines de recyclage situées à l’étranger », note Nathalie Daniel avant de conclure : « Il faut que tout le monde participe à cette collecte ! Nous estimons encore à 160 tonnes le poids de bouchons en liège détruits chaque année. Ce qui permettrait d'isoler 49 maisons de 100 m2 ». Alors, ne jetez plus vos bouchons de liège, valorisez-les !